lundi 26 septembre 2016

Simon Veille-« Fortierssimo »


Laurent Fortier est artiste de la taule froissée, un virtuose du chalumeau. Ce Don Juan des étincelles flirte avec le feu de la passion : créer des œuvres brutes, immédiates, directes qui ne nécessitent aucune autre explication que celle du regard. Ses figurines sont des êtres préhistoriques qui vous parlent de Rimbaud et de Verlaine, des êtres étranges sans bras et sans jambes qui vous regardent avec une candeur enfantine. Dans leurs yeux, il y a des mots qui se perdent dans le vide, comme un alphabet dont les lettres s’évaporent dans les cieux comme une nuée d’étourneaux. Il y a quelque chose de pur dans cet univers, un hommage rendu à l’innocence, à la beauté du monde et peut-être même à la mélancolie. Regardez en face une de ses créatures, vous ne soutiendrez pas son regard intense comme de la braise. Ses deux petites billes sont comme deux chandelles éclairant le monde dans un moment de grâce.
Mais l’artiste est le papa d’une autre tribu, plus « aérienne » celle là. Des êtres qui se balancent dans le vide à la recherche d’un bout de nuage auquel s’arrimer. Mais seule l’architecture en acier empêche ces angelots de s’envoler, arrimés à la Terre par l’ancre invisible de l’artiste. Ce Michel Ange taciturne sculpte le vide et l’espace comme un arbre dont on aurait juste esquissé le feuillage. Ses têtes sont suggérées comme le début d’une phrase, l’esquisse d’un mot, le bégaiement d’une idée. A vous de finir l’œuvre avec le pinceau de vos yeux et la palette de votre cœur.
Les sculptures de Laurent Fortier sont aussi des abandons, des cris offerts à l’univers de l’animalité : rendez-vous avec les poissons qui nagent dans le cosmos, les têtes éthérées qui ont l’air de planer, les féroces taureaux qui dans l’arène croisent un moucheron tout de métal vêtu. Le bestiaire de l’artiste est émouvant, passionnant, magique. Les mots sont trop gluants et finalement pas assez malléables pour exprimer tous les embruns poétiques de l’art de Laurent Fortier. Le beau et le vrai se dégustent en silence... comme un bon vin.
S.V.

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